Les inhibiteurs dans le traitement de l’hémophilie

Les inhibiteurs dans le traitement de l’hémophilie

Que sont-ils ?

Le développement d’anticorps dirigés contre les facteurs de coagulation VIII ou IX injectés pour traiter l’hémophilie est une complication qui réduit l’efficacité de ces traitements. Il concerne en particulier les personnes atteintes d’hémophilie A sévère et les plus jeunes. Des alternatives et des solutions sont disponibles pour remédier à cette réaction immunitaire indésirable.

 

Quand le facteur de coagulation devient une substance étrangère

Nos anticorps sont les éclaireurs de nos défenses naturelles : ils reconnaissent des substances étrangères et potentiellement néfastes à l’organisme, comme les microbes, et mobilisent nos cellules immunitaires chargées de les éliminer. Mais parfois, ce processus se dérègle.

Chez certaines personnes hémophiles, une partie de leurs anticorps considèrent le facteur VIII ou IX injecté comme un corps étranger et va pousser le système immunitaire à le neutraliser. Ces anticorps s’opposent à l’action coagulante du facteur VIII ou IX, c’est pourquoi ils sont appelés inhibiteurs.

Plus une personne hémophile possède d’inhibiteurs dans le sang, moins le traitement par facteur substitutif sera efficace : le facteur VIII ou IX injecté sera rapidement éliminé et il ne pourra donc pas enrayer efficacement un saignement, par exemple. (1,2,3)

La détection de l’anomalie : une simple prise de sang

La présence et le taux d’inhibiteurs sont détectés par un examen sanguin réalisé dans le cadre du suivi annuel normal de l’hémophilie ou quand un traitement par facteur VIII ou IX ne semble plus agir comme il le devrait lors d’un saignement. (1,3) Un dépistage d’inhibiteurs devrait également être effectué chez toute personne hémophile avant une chirurgie, y compris pour une extraction dentaire (3). Le taux est mesuré en unités Bethesda par millilitre de plasma sanguin (UB/ml). S’il dépasse 5 UB/ml, il est considéré significativement élevé. La réaction du système immunitaire à l’injection du facteur VIII ou IX est également prise en compte selon que le taux d’inhibiteurs reste ou non élevé entre deux injections : on parle de faible répondeur ou de fort répondeur. (1,3)

Un problème fréquent et des facteurs de risque encore mal connus

Toutes les personnes hémophiles traitées par facteur VIII ou IX peuvent développer des inhibiteurs à un moment de leur vie et on ne peut prévenir l’apparition de ceux-ci. (1,4) On estime que 20 à 30 % des hémophiles A sévères et 3 à 5 % des hémophiles B sont concernés. (1,2,3) Les jeunes enfants sont les plus exposés (4), en particulier après leurs premières semaines ou mois de traitement par facteur substitutif. Généralement, les inhibiteurs surviennent dans les 50-75 premières injections aux facteurs de coagulation, en particulier les 20 premières. (1,3,5)

Des recherches ont permis de découvrir que certains éléments pourraient augmenter le risque de survenue d’inhibiteurs : des antécédents familiaux de développement d’inhibiteurs ou d’anomalies génétiques, l’origine ethnique (par exemple africaine) (2) mais aussi des traitements par facteur de coagulation intensifs (par exemple périopératoires) commencés tôt dans la vie (dans les premiers mois après la naissance) et/ou continus. Certains autres traitements agissant sur le système immunitaire comme des antiviraux ou des vaccins peuvent également favoriser la survenue d’inhibiteurs. (1,2,3,5)

Dans quelle mesure la présence d’inhibiteurs est-elle gênante ?

Chez les personnes atteintes d’hémophilie ayant développé des inhibiteurs, les saignements sont moins bien maîtrisés, ce qui complique le traitement de la maladie (4). Ainsi, les épisodes de saignement, les douleurs et les hospitalisations sont donc plus fréquentes et la qualité de vie est altérée par rapport à une personne sans inhibiteur. Le risque de problèmes musculosquelettiques et de limitations physiques est également plus élevé. (3,6)

Les inhibiteurs doivent toujours être pris en compte quelle que soit la sévérité de l’hémophilie, même s’il arrive, notamment chez les faibles répondeurs, qu’ils surviennent transitoirement et régressent spontanément en quelques mois. (3,4)

A chaque cas d’inhibiteurs, sa solution

La prise en charge appropriée d’inhibiteurs chez une personne hémophile doit toujours être personnalisée et réalisée dans des centres spécialisés : différents critères, comme le taux d’inhibiteurs et la réponse au facteur VIII ou IX, sont pris en compte. (5) Schématiquement, lorsque le taux d’inhibiteurs est bas, si l’autorisation du médicament le permet, le traitement par facteur VIII ou IX est généralement poursuivi avec des doses et/ou fréquences d’administration augmentées pour compenser l’action des anticorps inhibiteurs. Lorsque ce taux est élevé, le traitement repose sur l’injection, en prévention ou en cas de saignement, d’autres facteurs impliqués dans la coagulation, notamment le facteur VII, non reconnu par les inhibiteurs : on les appelle les agents de contournement ou by-passants). (1,2,5)

Un médicament mimant certaines fonctions coagulantes du facteur VIII est également disponible en prophylaxie pour les personnes atteintes d’hémophilie A avec inhibiteurs. (3,5) Mais attention : l’utilisation de ce médicament peut comporter des risques d’effets secondaires en cas de prise concomitante d’agents by-passants. Comme pour tout traitement, il est indispensable de suivre les conseils de votre médecin. (1,5)

Il est aussi possible de recourir au traitement d’induction de tolérance immune (ITI), efficace dans la majorité des cas d’hémophilie A sévère et B avec inhibiteurs. Dans ce cas, les facteurs VIII ou IX sont injectés à fortes doses au patient sur le long terme afin que le système immunitaire s’habitue à ces substances et cesse sa production d’inhibiteurs. (1,2) L’ITI semble avoir davantage de chances de réussir lorsque que le taux d’inhibiteurs n’est pas très élevé, lorsque le traitement a été instauré rapidement après les premières expositions au facteur VIII ou IX et lorsqu’il est pris avec assiduité. (4) Il est à noter que tous les facteurs de coagulation ne peuvent pas être utilisés pour le traitement de l’ITI.

  1. Association Française des Hémophiles (AFH). Les inhibiteurs. [En ligne] https://afh.asso.fr/je-minforme/comprendre-les-maladies-hemorragiques/traitements/inhibiteurs/
  2. Centers of Disease Control and Prevention (CDC). Inhibitors and Hemophilia. [En ligne] https://www.cdc.gov/ncbddd/hemophilia/inhibitors.html
  3. Fédération Mondiale de l’Hémophilie (FMH). Que sont les inhibiteurs ? [En ligne] https://www1.wfh.org/publications/files/pdf-1345.pdf
  4. Société Canadienne de l’Hémophilie. Tout sur les inhibiteurs. [En ligne] https://www.hemophilia.ca/files/all_abt_inhibitorsFR.pdf
  5. Haute Autorité de Santé. Protocole National de Diagnostic et de Soins (PNDS) Hémophilie. 2019. [En ligne] https://www.has-sante.fr/upload/docs/application/pdf/2019-10/pnds_hemophilie_argumentaire_10.10.19.pdf

NP-25390

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